Portrait d'instit' : Emilie et la pédagogie Montessori en REP

Soumis par Florent le 25 avril 2019
TPS
PS
MS
GS
Ressources professionnelles

Enseignant dans l'académie de Versailles, Emilie a fait le choix de se former -en dehors des circuits institutionnels- pour proposer à ses élèves des éléments de la pédagogie Montessori. Collaboration avec des collègues, expérimentation, adaptation... elle nous raconte l'évolution de sa pratique professionnelle.

Comment êtes vous entrée dans le métier d'enseignant ? Vocation précoce ? Tardive ?

Je crois que j'ai toujours voulu être enseignante en primaire. J'ai orienté mes études vers ce projet et j'ai eu un Master Handicap et besoins éducatifs particuliers à l'ESPE en 2014. Cette formation nous faisait apprendre le métier d'enseignant par la particularité plutôt que par la généralité. Entre temps, j'ai occupé des postes d'auxiliaire de vie scolaire en Ulis et en SEGPA puis j'ai décroché mon concours en 2015 dans l'académie de Versailles à 25 ans. Je pense que cette 1ère formation et ce que j'ai observé en tant qu'AVS m'ont préparé ensuite à m'intéresser aux pédagogies alternatives. 

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre école à Massy ?

J'ai eu un poste de prof des écoles stagiaire dans mon école actuelle à Massy et j'ai bénéficié d'une priorité sur mon poste pour rester en titre définitif. J'y suis depuis 3 ans. C'est une école maternelle de 6 classes + 1 classe passerelle (TPS) en REP avec une moyenne de 24 enfants par classe. 

Quelle classe avez-vous ?

J'ai débuté avec 2 années de petite et moyenne section, puis un triple niveau petit moyen grand. Cette année, j'ai un double niveau petit grand. Dans notre école, on privilégie les doubles niveaux avec des petits pour les rendre plus autonomes et plus à l'aise avec le langage car le public de l'école est homogène culturellement et nous avons beaucoup d'enfants allophones, inhibés aussi. 

En 2018, vous vous êtes formée à la pédagogie Montessori...

Je me suis tournée vers les pédagogies alternatives pendant mon année de stage. J'étais tombée avec une enseignante directrice qui n'acceptait pas tout ce que je pouvais proposer en classe, j'ai donc profité du temps que j'avais pour lire et me tourner vers autre chose. En fait, les enfants n'étaient pas épanouis, souvent contraints dans des activités qui n'avaient pas de sens. J'avais l'impression d'être toujours sur leur dos. J'étais épuisée après 2 jours de classe et pas très heureuse non plus. Je ne voyais pas comment tenir ce rythme. 

Comment vous êtes vous lancée dans la pédagogie Montessori ?

Je me suis d'abord tournée vers le livre de Céline Alvarez, puis vers ses vidéos. Ca a fait écho en moi et j'ai décidé de proposer dans ma classe de PS-MS l'année suivante des ateliers autonomes  (avec toujours un atelier dirigé ATSEM et un atelier dirigé par moi-même). J'ai lu des blogs, d'autres ouvrages -notamment ceux de Catherine Gueguen-, des livres sur les intelligences multiples, sur des expériences d'écoles privées comme le livre de Caroline Sost de Living School... C'est à ce moment que j'ai commencé à échanger sur mes pratiques avec une collègue qui venait d'arriver (mais qui bénéficiait de 15 ans d'ancienneté).

Nous nous sommes lancées l'année d'après sur 2 triples niveaux PS-MS-GS, avec ce fonctionnement mixte : ateliers dirigés, plans de travail et activités autonomes. Nous avons décidé de nous former l'été suivant à la pédagogie Montessori pour vraiment franchir le pas en classe.

Et vous avez décidé de continuer à vous former...

Nous avons visité la classe d'une collègue de circonscription qui pratique cette pédagogie. Elle nous a conseillé de suivre les 2 semaines de formation de l'association « La pédagogie Montessori aujourd'hui »[1], animées par une formatrice entourée de 2 enseignantes de l'Education nationale  pratiquant cette pédagogie. 

Cet été nous sommes partis 15 jours à Vaison-la-Romaine pour suivre 2 semaines intensives de formation (35h par semaine), spécialement conçue pour les enseignants de l'Education nationale (nous étions 30). Au programme : formation sur la vie pratique, le développement sensoriel, le langage, le graphisme et les mathématiques de 3 à 6 ans. Cela a été une énorme remise en question qu'on a pu vivre uniquement en participant au stage. Les livres n'auraient pas suffi à avoir le déclic. Nous avons compris la posture à adopter, les réflexes à abandonner et surtout la bienveillance, la confiance et le lâcher prise que tout éducateur doit s'efforcer d'avoir envers l'enfant.

Que retiendriez-vous de ces formations ?

Une image très parlante qui m'a suivi pendant la formation et que j'utilise souvent c'est que l'enfant est comme une plante qui pousse. Nous, éducateurs, sommes présents pour aménager : terreau, eau, soleil. Mais si on tire sur la plante pour qu'elle grandisse d'avantage, tout ce qu'on risque est de la fragiliser et de la casser. Et dans l'Education nationale, l'éducateur est plutôt celui qui impose. Tandis qu'en Montessori, il est celui qui aménage les conditions pour que chaque enfant s'empare de ce qu'il a à prendre, en partant du principe qu'il sait ce qui est juste pour lui (et en prenant en compte les avancées scientifiques qui parlent de motivation intrinsèque).

Le prix de ces formations ne vous a pas rebutée ?

J'ai payé ma formation 900 € de ma poche, tout comme j'achète en grande partie -avec mon argent- le matériel Montessori. Je ne me voyais pas évoluer autrement dans ce métier que j'adore, l'Education nationale ne proposant pas souvent des formations intéressantes... Donc je n'attends pas qu'on me donne, je vais chercher ce qui me motive et ce qui fera du bien à mes élèves. 

Quels effets avez-vous constaté dans votre classe ?

Cette année avec mes petits grands, j'ai pris le temps de poser l'ambiance plusieurs semaines : les règles de la classe, prendre une activité individualisée, se déplacer dans la classe, chuchoter, ranger une chaise... Ma classe est découpée en plusieurs aires que je fais évoluer régulièrement : vie pratique (transvasements, cadres d'habillage...), développement sensoriel (cylindres, boîte de couleurs...) mathématiques, culture (géographie, botanique, zoologie et expériences scientifiques de découverte du monde), graphisme et langage. Les enfants peuvent prendre le matériel que je leur ai déjà montré (lors de présentations à 2 ou individuelles) et s'en servir. Je ne fais donc que des présentations et mon Atsem peut tenir un atelier de peinture avec les petits. Je continue certaines activités traditionnelles : mes élèves ont un temps de récréation et de sport. Après la récréation de l'après midi, nous faisons des jeux de société. Les parents sont souvent invités dans ma classe à participer. Les grands font des activités de graphisme plus imposées, participent aux ateliers philo toutes les semaines ! Et ma classe mène des projets avec le REP.

On reproche parfois à la pédagogie Montessori de favoriser « l'individualisme »...

Et contrairement à ce qu'on peut penser, les enfants choisissent de travailler seul ou à plusieurs, et c'est tout le changement ! En plus, les petits sont stimulés par les grands ce qui amène un dynamisme dans la classe. Il y a la théorie des classes Montessori et la réalité de mon école, avec des enfants qui ont soif d'apprendre et d'être en relation avec les autres. Donc je fais 70% de Montessori et le reste c'est au feeling, en fonction des envies des enfants et des miennes. J'adapte constamment pour que tout le monde soit heureux de venir ! Le retour des parents est positif, celui des enfants l'est encore plus ! 

 

Retrouvez la classe d'Emilie sur Instagram : Emilie99022

 

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